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11 décembre 2024 3 11 /12 /décembre /2024 19:53
La bannière de la Grande Loge Nationale Française. (Photo: Tous droits réservés)

La bannière de la Grande Loge Nationale Française. (Photo: Tous droits réservés)

Le Très Respectable Frère Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), va achever dans trois jours son deuxième mandat de trois ans, totalisant 6 années à la tête de l’Ordre Maçonnique en France.

Il est l’archétype d’un maçon de la GLNF, un pur produit de la maison. Depuis son initiation en décembre 1988 à la R.’.L.’. Les Compagnons de l’Arche, il a occupé la plupart des fonctions dans ses loges avant d’être appelé à différentes responsabilités dans sa Province.

Puis, il est devenu Grand Maître Provincial de celle-ci, la Province de Paris Grand-Arche.

Parallèlement il a poursuivi sa progression au sein des ateliers des Suprêmes Conseils qui ont été successivement en amitié avec la GLNF, jusqu’à être couronné 33ème degré du REAA.

Enfin, avant d’accéder à la Grande Maîtrise, d’un point de vue administratif, il a occupé de très importantes fonctions telles que Grand Chancelier, Assistant Grand Maître puis Député Grand Maître, le préparant pendant six ans à la magistrature suprême de la GLNF, tandis que dans le monde profane il dirigeait une société de conseils aux entreprises.

C’est donc un maçon complet doublé d’un gestionnaire chevronné et avisé qui a dirigé avec compétence le destin de la GLNF, ce qui l’a amené à voir son mandat renouvelé en 2021.

Le T.’.R.’.F.’. Jean-Pierre Rollet a voulu, outre le développement du rayonnement de la GLNF à l’international, asseoir la maison sur de solides fondations en développant systématiquement la formation et l’Instruction de tous et de chacun, renforcer l’engagement spirituel de chacun des membres, les considérant comme les piliers essentiels pour assurer la pérennité de l’Ordre.

On peut dire sans flagornerie que c’est lui qui a fait entrer la GLNF dans la modernité, la dotant d’outils performants, préparant l’avenir sur des bases solides. C’est certainement avec un pincement au cœur qu’on le verra descendre de charge, tant il a imprégné la GLNF de son énergie tranquille de bâtisseur.

Dans l’exercice de ses fonctions, rien ne lui a été épargné : la crise des gilets jaunes à laquelle celle de la pandémie du Covid 19 a succédé. C’est au cours de celle-ci que se sont révélés à la fois son talent de gestionnaire avisé et son grand cœur : il a mis la maison et ses compétences au service de chaque Frère qui avait besoin d’assistance.

Et malgré cette crise qui a vu les effectifs de beaucoup d’obédiences baisser, le T.’.R.’.F.’. Jean-Pierre Rollet a fait passer ceux de la GLNF de 30.000 membres, lorsqu’il a été Installé dans sa charge à un peu plus de 33.000 aujourd’hui.

Une autre épreuve, de toute autre nature, scandaleuse en Franc-Maçonnerie, lui a été imposée : celle de la calomnie, celle d’aigris, amers que l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, ne saute pas aux yeux de tous.

Comment le Grand Maître a-t-il réagi ? Il n’a dit mot, connaissant la grandeur du silence. Savoir se taire, c’est aiguiser son aptitude à entendre. Mais ne nous y trompons pas, il a su s’exprimer lorsque c’était nécessaire, voire indispensable. C’est ainsi qu’il s’est consacré énergiquement à sa lourde tâche, travaillant encore plus, sans se laisser détourner par les facéties des factieux.

A cet égard, on se souvient qu’il n’était encore ni élu ni Installé, que certains lui reprochaient déjà son ambition. Mais, l’ambition pure, sans jalousie, cupidité, ni soif de pouvoir, est une vertu louable et même indispensable lorsqu’on aspire à exercer une si lourde responsabilité.

Et heureusement qu’il a eu cette ambition pour la GLNF, la rétablir dans sa stature incontournable, référence de la Régularité en Europe Continentale.

Les bannières de la Grande Loge Nationale Française ainsi que celle du Grand Maître Jean-Pierre Rollet.  (Photo: Tous droits réservés)

Les bannières de la Grande Loge Nationale Française ainsi que celle du Grand Maître Jean-Pierre Rollet. (Photo: Tous droits réservés)

On se souvient de l’état d’esprit qui était le sien en prenant ses fonctions : consolider les acquis du renouveau de la GLNF depuis 2012, en termes d’harmonie et de sérénité, assurer aux Loges la plus grande rigueur dans la pratique de leurs Rituels, par une transmission et une formation dans tous les segments de la Franc-Maçonnerie, et, surtout, mettre en pratique les valeurs humaines, fraternelles humanistes qui sont les nôtres.

Parallèlement, il a assuré le rayonnement de la Grande Loge Nationale Française à l’international, en créant, renforçant, les liens avec la quasi-totalité des Grandes Loges régulières et reconnues de la planète.

Ses talents de diplomate formé à la bonne école du T.’.R.’.F.’. Jean-Claude Tar., Grand Maître Honoraire, l’ont amené non seulement à rétablir les relations qui avaient été interrompues par la faute de la carence maçonnique de Monsieur Stifani lors de la crise du même nom, mais aussi à établir des liens d’amitié avec beaucoup d’autres, nouvelles, tandis que d’autres Grandes Loges réputées, lui demandaient conseil pour régler leurs problèmes…

Mieux, il est encore aujourd’hui sollicité pour donner son avis sur les règles de la Régularité.

Sur le plan national, il a renforcé les liens avec les principales obédiences françaises, dans le respect des différences et cultures de chacune.

De même, il s’est assuré que la sécurité soit assurée sous toutes ses facettes, non seulement dans nos Temples, mais aussi au niveau de leur accès. Mentionnons au passage qu’il a donné son feu vert pour l’acquisition d’une dizaine de nouveaux Temples sur tout le territoire national.

Parallèlement, il a développé différentes structures pour venir en aide à ceux, maçons ou non, qui en ont besoin.

Tous les matins à son bureau de Grand Maître dès 7 heures, souvent présent jusque 20 heures (quand ce n’est pas plus tard), c’est un travailleur acharné, qui s’est consacré corps et âme à la GLNF.

Il laissera aussi un autre héritage important : Il a aboli les « duchés ».

En effet, à l’ère moderne, avec une Grande Loge forte de plus de 33.000 membres, comment accepter que les représentants du Grand Maître dans les Provinces, puissent exercer plus de mandats que lui, qui est limité à six ans en deux mandats de trois ans ?

Il n’était pas rare en effet qu’un Grand Maître Provincial puisse exercer jusqu’à neuf ans, voire douze ans !!!

Il est certain, que le Grand Maître Jean-Pierre Rollet restera un vrai « Grand » Grand Maître dans l’histoire de la GLNF, et il apparait, en dehors des circonstances de l’histoire récente, que personne n’a autant travaillé à l’assise et au développement de votre Grande Loge Nationale Française. Dorénavant, la barre est haute.

Il laissera, le souvenir d’un Grand Maître intègre, qui a géré notre Maison en bon père de famille, avec intelligence, compétence et dévouement, avec une vision d’avenir.

Frère d’une extrême pudeur, c’est néanmoins du fond du cœur que nous pouvons le remercier, au vu de son bilan.

 

Alors qu’il s’apprête à quitter ses fonctions à la fin de cette semaine, le Myosotis du Dauphiné-Savoie vous propose une conversation à bâtons rompus, sans langue de bois avec le Grand Maître Jean-Pierre Rollet :

Le Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française, le TRF Jean-Pierre Rollet.  (Photo: Tous droits réservés)

Le Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française, le TRF Jean-Pierre Rollet. (Photo: Tous droits réservés)

Grand maître, au début de ton mandat, tu ne voulais pas être interviewé dans ce blog. Qu'est-ce qui te fait changer d'avis ?

Tu me l'as demandé gentiment. (Nous pouffons de rire…).

Pas la première fois ?

Ce n’est pas ce que je veux dire. Non, c'est parce que à ce moment-là je ne souhaitais pas me mettre plus particulièrement en avant et que je pense que répondre à cet instant de fin de mandature, c'est pouvoir présenter un bilan de ce que l'on a fait collectivement...

Qu’est-ce qui t’as amené à souhaiter être initié à la Franc-Maçonnerie ?

J'ai toujours été, dans ma jeunesse, passionné par l'histoire en général, et plus particulièrement celle de la chevalerie, celle des Templiers, mais aussi mû par une réflexion ésotérique et spirituelle. Et il y avait ce côté « un peu énigmatique » qui était associé à la franc-maçonnerie, ses mystères... J'avais été approché, jeune adulte, au début de mon activité professionnelle, par quelqu'un de mon entourage professionnel qui s’est révélé franc-maçon et voulant alors que je le rejoigne au Grand Orient. Assez rapidement, la démarche s'est arrêtée car ne correspondant pas, évidemment, à ma profonde croyance. Et puis, plusieurs années plus tard, j'ai rencontré un frère de la GLNF, qui s’est dévoilé à moi. Et à la suite de nombreuses discussions que nous avons eues ensemble, il m’a proposé de me coopter et d’être mon parrain. C’était en 1988.

Le soir de notre initiation au Rite Ecossais Ancien et Accepté, nous entendons prononcer la fameuse maxime qui figure sur le frontispice du temple de Delphes « Connais-toi toi-même… »

(Il m’interrompt) : … « et tu connaîtras les dieux » !

Après six ans de grande maîtrise, est-ce que tu te connais mieux ?

Oui ! Et combien oui ! Parce que la fonction, évidemment, te donne tellement la possibilité de réfléchir sur toi, de mieux comprendre les situations, de traiter des sujets tellement différents les uns des autres. La fonction, d’une certaine manière, t'ennoblit, elle te permet de porter un regard différent sur les choses et les êtres. Il y a un peu plus de certitude, de conviction renforcée et…d’amour ! La fonction ne peut qu’ouvrir l’esprit ; il y a certes la confrontation avec le quotidien, parfois ardu, mais surtout de belles rencontres !

Durant les six années où tu as exercé tes deux mandats à la Grande Maîtrise de la Grande Loge Nationale Française, est-ce que tu as changé ? Et si oui, est-ce que tu t'es senti changé au fur et à mesure ?

Progressivement oui. Il faut dépasser ce sentiment de doute sur soi que l’on peut avoir au début de sa prise de fonction, lorsque l’on se demande si l’on va être à la hauteur des enjeux, à la hauteur des attentes des Frères qui vous ont choisi et élu. C’est une telle responsabilité ! Puis naturellement tu prends progressivement la pleine et entière mesure de la fonction. Au fil des mois, tu mets en place tes idées, tes projets, tu travailles avec tout ton Collège, et tu se sens responsable du bonheur des Frères. Alors oui, la dimension de la fonction te fait forcément changer. Alors est ce que je suis quelqu’un de différent ? Moi je le crois mais c'est presque à toi de me le dire !

Quel enfant as-tu été ?

Turbulent, pas forcément grand travailleur à l'école et au lycée, me reposant sur quelques facilités permettant de faire juste le petit saut lorsque c’était nécessaire. Du moins c’est ce que me disaient mes professeurs et surtout mes parents ! Puis, j’ai eu véritablement une prise de conscience, lorsque je suis rentré dans le cycle universitaire, notamment à Sciences-Po Aix puis pour ma licence de droit à Paris, études qui nécessitaient beaucoup de travail pour être au niveau des exigences.

Donc, un enfant qui est à la fois turbulent, mais studieux néanmoins...

Oui, studieux après.

As-tu as eu l'ambition de devenir Grand Maître avant la crise provoquée par François Stifani ? Et est-ce que c'était une idée qui t'avait déjà effleurée ? Donc, avant…

Non. Parce que l’on ne sait pas comment les choses se font, elles arrivent tout simplement. Quand j'étais Maître dans ma Loge mère, je n'avais même pas idée que l’on pourrait être participer à un collège provincial ou être Grand Maître Provincial.

Et puis, occupant la fonction de Vénérable Maître, un jour de l’année 1995, je suis convoqué par le Grand Maître Provincial de la Province de Paris Grande Arche de l'époque, qui venait d'être nommé, et qui m’a proposé de rentrer dans son collège provincial comme Grand Porte-Etendard Provincial.

Et c’est ainsi qu'au fur et à mesure, j'ai pris, non pas le goût, mais l'intérêt à travailler au service du collectif et de l’Ordre, non plus pour moi dans ma Loge ou au service de ma Loge, mais au service d'une Province. J'ai travaillé pendant 6 ans dans ce Collège provincial, et à la 6me année, ce G.’.M.’.P.’. m'a dit : « Ecoute, je vais quitter ma fonction, mais je t'ai proposé au Grand Maître, qui à l'époque était le futur Grand Maître Jean-Charles Foellner, pour être mon successeur ». J’étais Assistant Grand Maître Provincial à l’époque.

Je passe sur les années de crise interne de notre maison (2009-2012) et de sa résolution, où faisant partie de l’équipe rapprochée autour de Jean-Pierre Servel, nous avons participé à écrire une autre page de l’histoire de la GLNF et lui redonner son lustre.

Une fois le T.’.R.’.F.’. Jean-Pierre Servel élu et installé, il m'a proposé le poste d’Assistant Grand Maître en charge de l’international et de Grand Chancelier, puis m’a proposé d’être son Député Grand Maître et puis, tu connais la suite !

Si j’ai appris quelque chose au fil des années dans notre Institution, c'est que l’on est au service de l’Ordre. Un poste ne se refuse pas, tu ne le quémandes pas, tu ne demandes rien, mais si tu es dans un Ordre, et que l’on te dit « Voilà la fonction que je te propose », tu acceptes de servir. Et ainsi, j'ai occupé cette fonction de Grand Maître Provincial avec énormément d’intérêt et de passion pendant toutes ces années de la Grande Maîtrise du T.’.R.’.F.’. Jean-Charles Foellner.

Gravure enluminée dans le bureau du Grand Maître de la GLNF.  (Photo:Tous droits réservés)

Gravure enluminée dans le bureau du Grand Maître de la GLNF. (Photo:Tous droits réservés)

En te retournant, tu exerces d'éminentes responsabilités depuis 12 ans. Tu as participé à l'histoire de la refondation de la GLNF à tous les niveaux, international comme interne. As-tu, en toute immodestie, conscience de ce que tu as fait pour la GLNF ?

Personnellement, oui avec du recul.  On ne s'en rend pas compte dès le départ. Parce qu'en fait, on est embarqué, dans une histoire. Et j'ai toujours été d'un naturel où je m'engage à fond ou pas du tout. Si on s'engage, on s'engage véritablement, pas de demi-mesure.

Pendant toutes ces années du mandat du T.’.R.’.F.’. Jean-Pierre Servel, il nous fallait consolider, remettre la Maison sur ses bases, amener la paix, avec des frères après toutes ces années de désunion, de dysharmonie, qui avaient envie de vivre une maçonnerie dans laquelle ils puissent être fiers. Et puis, sur les bases de cette refondation, j'ai pu continuer et amplifier.

Certains frères prennent ta timidité pour une froideur, pour un penchant hautain. Tu as quelque chose à leur répondre ?

Il y a deux sujets. Le premier tout d'abord, est qu’en effet je suis quelqu'un de naturellement réservé. Je ne donne pas facilement mon amitié, mais une fois donnée, elle est totale, sans réserve. Ensuite, je suis très exigeant, d’abord avec moi-même, avec toujours cette volonté de toujours vouloir bien faire. Et puis il y a quelque chose qui est extrêmement important, c'est que vous devez vous protéger. Quand on occupe cette fonction-là, en tant que Grand-Maître, tu dois te protéger, parce que, évidemment, tu peux toujours avoir des Frères qui viennent te raconter des belles histoires et dans lesquelles il faut faire très attention.

Et la deuxième chose, qui peut être aussi peut-être la plus difficile, c'est qu'à un moment donné, c'est l'Ordre que tu dois faire passer avant. Et tu as peut-être des gens qui sont ceux de tes proches, et quand ils se comportent de manière inappropriée ou qu'ils ne font pas le travail, tu dois pouvoir le leur dire.

Donc, il y a forcément une forme de prise de distance quand tu occupes cette fonction de Grand Maître, ne serait-ce que par la grandeur de la fonction de Chef Suprême de l’Ordre, mais pour ma part, je ne suis pas hautain ou dans la froideur, j’ai trop grand respect des autres.

 

Certains te reprochent de n'avoir pas reconduit les anciens Grands Maîtres Provinciaux du Grand Maître Jean-Pierre Servel. Veux-tu bien éclaircir ce point ?

La réponse est très simple : les mandats d’un Grand Maître sont de trois ans ou de six ans mais pas plus. Donc pour moi, cette limitation fixée à un Grand Maître, et que je considère comme fondamentale, doit aussi s’appliquer naturellement à ceux qui sont les représentants du Grand Maître sur le terrain. Parce que finalement, ce qui est extrêmement important, c’est de pouvoir périodiquement renouveler des forces vives pour continuer à faire progresser l’Institution.

Tu as tout connu en franc-maçonnerie, les instants sublimes comme les pires trahisons,

en particulier celles de ceux qui devaient te témoigner le plus de loyauté. Crois-tu encore en la vertu de la franc-maçonnerie ?

Bien sûr, et plus que jamais ! Et comme je le dis souvent à des jeunes apprentis au soir de leur initiation « un maçon peut vous décevoir, mais la maçonnerie ne vous décevra jamais » (Il appuie ce dernier mot).

Le Compas. Bureau du Grand Maître de la GLNF.  (Photo:Tous droits réservés).

Le Compas. Bureau du Grand Maître de la GLNF. (Photo:Tous droits réservés).

As-tu eu le temps, en deux mandats de trois ans, de réaliser toutes les ambitions que tu avais pour la GLNF ?

Oui, je pense que oui. L’exercice a été un peu plus difficile pendant les 18 mois de la période de Covid. Sur cette période, nous avons pu poursuivre le travail sur la formation et la transmission et le rayonnement de la GLNF. Mais il y avait un autre sujet qui me tenait à cœur : celui de l'attractivité et de la fidélisation, qu’il nous a fallu repousser le temps de reprendre le travail dans les Loges.  Qu'est-ce qui fait que des profanes aient envie de nous rejoindre, et qu'est-ce qui fait que des frères aient envie de rester ?

Nous avons pu initier un travail de réflexion avec les Grands Maîtres Provinciaux, sur un projet fédérateur qui s'appelle « Egrégore ». Par ailleurs, nous avions aussi imaginé de travailler sur l’accompagnement, notamment des jeunes initiés. Il arrive bien souvent que le frère, le soir de son Initiation, soit le frère le plus important de l'atelier, et puis une fois mis en tête de la colonne du Nord, que se passe-t-il après, dans les semaines et mois qui suivent ? Qui va s'occuper vraiment de lui ? C'est un travail de réflexion qui reste certainement à approfondir.

 

À la lueur de ton expérience de la vie, de celle de la crise que la GLNF a traversée, puis à celle de Grand Maître, penses-tu que le bien et le mal soient encore délimités par une frontière ?

C'est une question extrêmement difficile. Dès le soir de notre initiation au REAA, la question du bien et du mal nous est posée ; mais au-delà de toute réflexion philosophique ou métaphysique, en fait pour chacun d’entre nous, la question qui se pose est la suivante : est-ce que parfois dans ce que nous faisons, nous faisons toujours du bien ?  Est-ce que parfois nous ne faisons pas du mal ? On peut très bien, sans s'en rendre compte, causer de la peine, une souffrance, à quelqu’un.

Donc c'est pour ça que mon maître mot a toujours été la bienveillance. J’ai toujours beaucoup, beaucoup de bienveillance, et s'il y a vraiment quelque chose qu'il faut développer chez nous, c'est cela, c'est le regard bienveillant, l'attitude bienveillante.

Je me souviens, quand tu installais tes Grands Maîtres Provinciaux, tu leur disais : « soyez bienveillants, soyez justes » …

Et le troisième, c'était équitable, je leur disais : soyez bienveillants, justes et équitables.

Est-ce que tu crois que la méthode maçonnique permet d’y parvenir ?

Oui ! Vraiment. La méthode maçonnique est une méthode fondamentale d'introspection. Et de déconstruction pour une reconstruction.

L’enseignement maçonnique repose beaucoup sur la logique de pensée des bâtisseurs pour construire l’édifice que nous représentons, pierre après pierre, pour dégrossir la pierre, etc. avec les outils du bâtisseur. Mais il nous fait aussi nous déconstruire pour mieux nous reconstruire, avec l’orientation, avec la rigueur dans une méthode maçonnique. Et je considère donc que la démarche maçonnique est vraiment une réponse fondamentale à tous les hommes qui souhaitent un monde meilleur.

Je suis émerveillé par les textes et discours de tous nos rituels, émerveillé par ces hommes qui les ont imaginés, parce qu'il a fallu les écrire, il a fallu les faire vivre et leur donner Sagesse, Force et Beauté !

J'y ajouterais les exhortations à l'Installation…

Mais absolument ! Et puis, à la GLNF, nous avons cette particularité d'avoir six rites où chacun peut trouver sa voie. Les Rites de mémorisation (Rite Emulation, Rite d’York, Rite Standard d’Ecosse) qui sont des Rites permettant assez rapidement de comprendre où l’on se situe. Parce qu'il y a dans la démarche initiatique et la démonstration lors des cérémonies de ces rites d’oralité, une explication et une compréhension qui sont immédiatement données. Alors que dans les Rites continentaux (REAAA, RER, RF), il faut aller chercher l'idée sous le symbole, l’invisible dans le visible, …

Mais dans toutes les voies, si tu n'es pas un maçon qui travaille à comprendre ton Rite, alors tu passes à côté.

L'échelle de Jacob, gravure enluminée dans le bureau du Grand Maître de la GLNF.  (Photo:Tous droits réservés).

L'échelle de Jacob, gravure enluminée dans le bureau du Grand Maître de la GLNF. (Photo:Tous droits réservés).

Penses-tu que pour être maçon, il faut avoir une conscience morale ? Très développée ?

Oui, c'est même fondamental. La conscience morale est extrêmement importante et la maçonnerie ne peut que la renforcer.

Justement, quand on est dans ce cas de figure, j'en prends un comme ça au hasard, on se rend compte qu'un frère a sur le dos un abandon de famille ou quelque chose de sordide comme ça. Qu'est-ce qu'on fait ?

C'est une vraie question parce que nous, nous ne pouvons juger que sur des faits maçonniques établis. Ces attitudes et ces comportements, cette forme d'indignité c'est à l’individu d’en tirer les conséquences. Mais nous ne sommes pas un tribunal de jugement de ces affaires civiles. Donc il faut arriver à amener ce frère à voir ce qu'il peut changer, comment il peut évoluer. Il est vrai que parfois nous sommes saisis par des frères qui voudraient que l’on règle des affaires et des contentieux qui en fait relèvent du monde profane . Ce n’est pas dans notre pouvoir.

Oui mais pour autant quelqu'un qui est condamné pour une faillite, frauduleuse ou pas, on lui demande de démissionner…

Parce qu'il y a condamnation pénale et du coup le Frère ne remplit plus les conditions statutaires requises à son appartenance.

 

En fonction des contacts que tu as eus en qualité de Grand Maître avec la société civile, les pouvoirs publics, quelle est l'image qu'ils ont de la Franc-Maçonnerie en général et de la Grande Loge Nationale Française en particulier ?

Ils ne connaissent absolument pas les différences de courants existant au sein de la maçonnerie française. Ensuite, il faut reconnaître aussi que le Grand Orient qui est dans son rôle, préempte d'une certaine manière, le positionnement public de la Franc-Maçonnerie sur des grandes questions de société. Ce qui n'est pas notre cas, et d'ailleurs nous ne signons aucune déclaration commune sur quelques sujets de société, parce que ce n'est pas dans le gène maçonnique de la Régularité.

Et les autres Obédiences françaises connaissent bien notre position et la respectent. Mais lorsque les pouvoirs publics nous sollicitent sur des questions politiques, nous avons, la quasi-totalité du temps, décliné, sauf quand il s'était agi de parler, au moment de la crise, de la pandémie et des mesures sanitaires, où là, on a tenu, évidemment, à participer aux réunions.

Précisément, dès lors que la GLNF décline les sollicitations d'ordre plus sociétales ou politique, est-ce qu'ils en conçoivent plus de respect pour nous, ou pas ?

La question ne se pose pas. De temps en temps, j'ai envoyé mon Garde des Sceaux, à certaines réunions quand il y a eu des consultations sur tel ou tel sujet. L'idée, quand même, c'est d'exprimer le point de vue qui est le nôtre, en disant pourquoi on ne peut pas s’exprimer sur ce sujet-là. Car il était important de leur faire savoir ce que nous sommes.

Comment se porte la GLNF après tes six ans années de mandat ?

Dans la poursuite des années précédentes, si je peux permettre... Mais véritablement, pour moi, il y a une logique de continuité et progression. On continue à initier, à nous développer, à créer des nouveaux temples, à consacrer de nouvelles Loges et de nouveaux Chapitres de l’Arche Royale. Donc nous ne portons bien et les frères sont heureux et fiers de leur maison.

J'ai seulement ce regret, je l’ai souvent évoqué, au Souverain Grand Comité ou ailleurs, de constater ce trop grand nombre de frères qui quittent la GLNF. Pour moi, il y a une incompréhension majeure. Tous ces frères qui ont été très heureux de venir nous rejoindre, qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, il n'y a plus d'adhésion ? Pourquoi considèrent-ils que leur parcours soit fini ?  Pourquoi, quand on a donné des années à sa Loge, on n'ait plus l'envie, plus le goût d’être franc-maçon ?

Alors peut-être qu’il y a, plus qu’auparavant, un problème de la nature de l’engagement. D’ailleurs j’ai remarqué que ce problème de l’abandon se pose moins, voire pas du tout, dans les Loges où nous avons des Vénérables Maîtres et des Frères profondément investis dans leurs missions, qui accompagnent les Apprentis, les Compagnons, les Maîtres.

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française.  (Photo: GLNF - Tous droits réservés)

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française. (Photo: GLNF - Tous droits réservés)

Que reste-t-il d’important à faire que tu n’as pas eu le temps de faire ?

Le sujet précédent, véritablement. Pour moi, c'est vraiment de s'assurer que tous les frères aient la joie de venir et de rester, de continuer à développer et faire grandir cette maison. Il y a forcément encore des choses à faire, mais désormais c’est mon successeur le T.’.R.’.F.’. Yves Pen. d’apporter sa vision et de porter ses projets.

Je comprends de notre entretien que tu es satisfait de ton bilan ?...

Pas de mon bilan, MAIS du bilan de tout mon collège, de tous ceux qui se sont investis.

Et du tien à la tête de la GLNF ?

Tu me connais, alors peut-être vas-tu me dire que c'est ma timidité, mais je n'aime pas me mettre en avant. J'ai assumé pleinement la mission et nous avons fait du très bon travail au service des frères.

Quels ont été tes meilleurs moments en qualité de grand maître de la GLNF ?

Alors, d'abord d'aller à la rencontre des Frères. Certes, j'avais, en tant que Grand Chancelier, déjà fait des très belles rencontres à l'international, où j’ai pu côtoyer d'autres univers maçonniques. Ces rencontres internationales sont des bons moments, mais je les connaissais déjà. Non, mes plus beaux moments, c'est d’abord la rencontre avec des frères, notamment les Apprentis et les Vénérables Maîtres, car les uns sont notre futur et les autres sont ceux qui font vivre au quotidien les Loges. Ce sont vraiment des grands moments de partage, d'explication.

Le deuxième moment que j'ai aussi beaucoup aimé, ce sont les rencontres avec des profanes dans des conférences de présentation de la GLNF

Et puis il y a aussi les séminaires avec les Grands Maîtres Provinciaux, qui sont des moments intenses, de collaboration, de partage mais aussi de convivialité, et pour finir la formidable ambiance de travail ici au 3ème étage à Pisan.

A contrario, quels sont les pires moments que tu as vécu en qualité de Grand Maître ?

Les trahisons personnelles, qui sont à mes yeux incompatibles avec le serment pris sur ce que nous avons de plus sacré, qui est quand même le Volume de la Sainte Loi, les déceptions parfois de quelques personnes dont on se rend compte qu'ils étaient venus quémander un tablier ou une fonction et qu'ils ne l'assumaient pas véritablement.

Les attaques personnelles subies du temps de la crise, aussi.

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française.  (Photo: GLNF - Tous droits réservés)

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française. (Photo: GLNF - Tous droits réservés)

À la lueur du fait qu'à la Grande Loge Unie d'Angleterre, on a mené une réflexion sur l'introduction des femmes en maçonnerie, on arrive...

Pardonne-moi, ce n’est pas la bonne question. Il n’y a pas d’introduction des femmes. La franc-maçonnerie féminine régulière en Angleterre, existe depuis plus d'un siècle.

Voilà. Et on reconnaît leur régularité...

Non, et je vais peser mes mots. Ils ont toujours considéré qu'elles pratiquaient une maçonnerie régulière, au sens où elles pratiquent les mêmes huit Basic Principles que la GLUA, mais d’un côté on n’initie et reçoit que des femmes et d’un autre côté on ne reçoit et n’initie que des hommes.

Il n'y a pas d'inter visite.

Mais est-ce que tu penses qu'il n'est pas inéluctable que tôt ou tard, des femmes soient admises, y compris en maçonnerie régulière, ne serait-ce que par conformité aux lois civiles ?

Alors, la réponse est assez simple. D'abord, en tant qu'association, nous avons la possibilité de définir des conditions spécifiques d’adhésion avec nos exigences, telles qu’elles figurent aujourd’hui dans notre Constitution. Donc, rien ne nous empêche de vivre une maçonnerie purement masculine. Comme rien n'empêche qu'il existe une maçonnerie féminine qui n'initie que des femmes. Et il y a une maçonnerie mixte. Donc, le paysage maçonnique français permet aujourd'hui en France, selon ce que tu es croyant ou pas, selon que tu as envie d'un engagement politique ou pas, selon que tu choisis une obédience purement masculine, purement féminine ou mixte...de choisir la maçonnerie où tu souhaites t’engager. Tu as un champ des possibilités infini. Donc aujourd'hui il n'y a pas de difficultés particulières à défendre des positions et même pour la Grande Loge Unie d’Angleterre aujourd'hui, il ne lui est pas imposé dans la loi anglaise d'initier les femmes

Lorsque tu as installé tes Grands Maîtres Provinciaux, je me souviens que tu les as exhortés « soyez justes, soyez bienveillants, soyez équitables ». À l'issue de ces six années, estimes-tu l'avoir été toi systématiquement ?

Oui, je pense que j'ai été juste, que j'ai été bienveillant. Oui dans le regard que j'ai porté sur plein de choses. Mais on ne transgresse pas certaines choses. Et là, c'est le Grand Maître qui va parler à un moment donné, vis-à-vis de quelqu'un, au-delà de la bienveillance, et lui dire qu’il y a des règles qui ne se transgressent pas, notamment le serment.

Une fois transmise ta charge de Grand Maître au Très Respectable Frère Yves Pen., que vas-tu faire de ton temps et que vas-tu encore faire pour la GLNF ?

Alors, sur le plan personnel, je vais continuer ma pratique maçonnique, peut-être avec beaucoup plus de facilité qu'auparavant, c'est-à-dire d'être présent dans mes loges, ce que je ne pouvais pas faire, ou les Juridictions auxquelles j’appartiens. C'est quelque chose d'extrêmement important à mes yeux.

Je n'appréhende absolument pas ce qui va se passer après. Et puis, un Grand Maître reste aussi associé, à un moment donné, dans les conseils d'administration de la GLNF, de la Fondation, de l'O.A.F. Le principe même de notre Institution, c'est qu'on est aux ordres. Je serai donc aux ordres de mon Grand Maître.

Mais par exemple, tu ne feras pas comme à la Grande Loge Unie d'Angleterre, où quand le pro Grand Maître descend de charge, on ne le voit plus pendant un an ?

Depuis septembre dernier, j’ai volontairement décidé de ne participer à aucune Tenue Provinciale et j’ai déjà indiqué que je ne participerai à aucune tenue Provinciale d'Installation qui vont prochainement avoir lieu. Cependant, je suis membre à vie du Souverain Grand Comité, et je serai aux réunions et j’assumerais également les autres obligations statutaires.

Que souhaites-tu à ton successeur ?

Le bonheur !

Et à toi, que faut-il te souhaiter ?

Qu'est-ce qu'on pourrait bien me souhaiter ?... Le bonheur aussi !

Dernière question. Quel est ton livre de chevet ?

J'ai beaucoup, beaucoup de livres.

Malheureusement, il y a deux problèmes. Le premier, c'est que je trouve que je lis trop sur tablette, maintenant. Oui, parce qu'en fait, on peut avoir assez facilement des journaux sur les tablettes. Et j'ai une succession de livres maçonniques. Là, à l'heure actuelle, je suis en train de me passionner pour le livre écrit par Francis Delon sur la période de la GLNF qui va jusque les années 1940, la reconstruction. C'est un livre passionnant sur l'histoire de la GLNF, Mais je suis éclectique dans mes lectures. Donc, je peux très bien passer d'un roman policier, à un roman d'aventure, un livre d'histoire. Je suis passionné par l'histoire.

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française.  (Photo: GLNF - Tous droits réservés).

Le TRF Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Française. (Photo: GLNF - Tous droits réservés).

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commentaires

M
Mon bien aimé frère Emanuel,<br /> Tu me connais, j’ai juste à dire que les T.R.F Jean-Pierre Servel et Jean-Pierre Rollet , furent les piliers de la Force pour le premier et la Sagesse pour le deuxième du renouveau de la franc maçonnerie régulière en France, je souhaite que le T.R.F Yves Pen soit celle de la sagesse pour parachever ce difficile chantier ayant été pratiquement détruit par les profanes en tabliers en 2012 , pour ne pas écrire le des renégats.<br /> Je t’embrasse ainsi les tiens<br /> Mathius
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M
Effectivement j’avais pas fait le rapprochement, mille excuses à lui.
F
Mon Très Cher Frère Mathius, si fidèle,<br /> Habituellement, je préfère m'attacher au fond plutôt qu' à la forme, mais là, je crois ne pas trop m'avancer en te signalant que fort probablement, notre nouveau Grand Maître te sera reconnaissant d'orthographier son nom en "Pennes" plutôt qu'en "Pen"!... Il est des amalgames qui pourraient être dérangeants! 😜
F
Mon Très Cher Frère Mathius,<br /> J'ai toujours beaucoup d'admiration pour ta finesse d'analyse, et la manière dont tu sais résumer les choses en peude mots mais avec précision. Je te rejoins complètement dans ton propos.

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  • : Le Myosotis du Dauphiné Savoie - Le Blog des Fidèles d'Amour -
  • : Tribune créée dans un premier temps pour véhiculer un combat en faveur de valeurs éthiques et morales au sein de la Franc-Maçonnerie de Tradition. Désormais, ayant contribué au succès de cet objectif, elle se consacre à la défense de celles-ci. Par ailleurs, seront présentés des articles reflétant études, lectures, engagements, et sympathies.
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Par arrêt en date du 20 mai 2015, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 6 mai 2014 par la chambre de la presse du tribunal de grande instance qui m'a déclaré coupable de diffamation publique envers François Stifani et Sébastien Dulac, à raison de la diffusion d’un message diffusé le 22 septembre 2010 sur le blog le myosotis-dauphine.savoie.over-blog.com. Je considère cet évènement comme l'attribution d'une Légion d'Honneur.

Merci aux soeurs et frères très nombreux qui m'ont soutenu dans ce combat de cinq années dont je m'honore, et dont je ne regrette rien.

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