Dans le cadre des Tribunes Libres que le Myosotis du Dauphiné-Savoie met à la disposition des Frères (ET Sœurs, pourquoi pas ?) qui souhaitent s’exprimer librement, voici la réflexion d’un de nos B.’.A.’.F.’. connu sur la blogosphère par le pseudo « Ma Contribution ».
Il était prévisible que le sujet suscite pareille intervention, car il n’a jamais laissé indifférent, et Bruno Pinchard, le V.’.M.’. de la R.’.L.’. Nationale de Recherches de la GLNF Villard de Honnecourt l’a bien martelé dans l’introduction de son invitation pour sa conférence.
Et de fait, nombre de Frères réguliers sont parfaitement conscients de ce que les Femmes sont parfaitement aptes à l’Initiation, et même de manière plus profonde que ce que nous connaissons en tant qu’hommes. La féminité, en tant que matrice de la vie, étant par essence Initiatique…
Notre Frère « Ma Contribution », amène une réflexion très marquée par sa culture catholique, parfois aux antipodes de la mienne. Je ne cache pas que lorsque j’ai lu des termes - concepts tels que « Dieu vient au monde par une femme », je ne peux, par ma culture hébraïque qu’être heurté.
Mais, ce blog est ouvert précisément à tous ceux qui souhaitent s’exprimer librement, et il est donc normal que notre frère le fasse ainsi ici. C’est ainsi que nous nous comprenons de mieux en mieux.
Relevons que, s’agissant de l’Initiation féminine, il semble prendre comme point de départ la destinée de Marie, femme de Joseph et mère de Jésus de Nazareth…
Or, il me semble qu’elle démarre bien plus loin dans le temps. En faisant abstraction de bien d’autres civilisations et en focalisant sur celle dans laquelle nous vivons et nous épanouissons, la civilisation judéo-chrétienne (si mal nommée), nous pouvons nous interroger d’emblée sur la vocation d’Eve, mais plus particulièrement sur celle de Lilith…
Mais plus intéressant, (et qui va certainement interpeller mon Bien Aimé Frère et filleul « le Compagnon qui… » lequel vient de visiter Jérusalem en ma compagnie), un texte qui retient peu l’attention en Occident : dans la Genèse, le Chapitre XXI au verset 12, relate l’épisode où Abraham, le fondateur du monothéisme, sur la demande de sa femme Sarah s’apprête de mauvais cœur à renvoyer sa servante Agar et le fils qu’il a eu d’elle, Ismaël : « Mais D-ieu dit à Abraham : « Ne sois pas mécontent au sujet de l’enfant et de ton esclave ; pour tout ce que Sara te dit, écoute sa voix : car c’est la postérité d’Isaac qui portera ton nom ». Rashi (Rabbin qui vivait en France à Troyes au Moyen-Âge et qui commenta au mot à mot à la fois l’ensemble du Pentateuque et du Talmud (en une vie !!!)) explique que « cela prouve qu’Abraham était inférieur à Sara dans le degré de la prophétie ».
Et la Genèse de démontrer ce constat de la supériorité de la vision des femmes lorsqu’elle nous relate que Rebecca force la main de son mari Isaac pour qu’il bénisse son fils Jacob afin qu’il porte la destinée spirituelle de sa descendance (Jacob s’appellera Israël après son combat avec l’ange).
Mais surtout, comment ne pas se souvenir de la prophétesse Myriam, sœur ainée de Moïse, qui en le cachant et en le sauvant, établit la destinée d’Israël et prépare la Sortie d’Egypte, c’est-à-dire, ni plus ni moins, établit la naissance d’Israël en tant que peuple.
La Tradition d’Israël, reconnait d’ailleurs tellement la centralité de la femme, que c’est par elle et non par l’homme que passe la transmission de la judéité, ainsi que l’éducation des enfants…
D’ailleurs, a-t-on oublié que, dès l’antiquité, le peuple hébreu est dirigé par une Juge, Déborah ?
Ce que nous dit « Ma Contribution », en réalité, et qui rejoint aussi ma vision, c’est que les femmes n’ont pas besoin que les hommes reconnaissent leur aptitudes à l’Initiation. La vie en a fait des Initiées par nature.
Sur le plan maçonnique, elles ont aussi démontré la qualité et le sérieux de leurs travaux. L’idée de notre Frère, correspondant à un besoin, et à l’aspiration de beaucoup de Sœurs que se constitue une maçonnerie spécifiquement régulière et exclusivement féminine. Il s’avère que certaines d’entre elles pensent ne pas trouver ces caractéristiques au sein de leur Obédiences respectives…
Une Franc-maçonnerie spécifiquement féminine, bâtie sur les principaux Landmarks, faisant référence à D-ieu Grand Architecte de l’Univers et non à de vagues « principes ou symboles » indéterminés, reste en effet à créer…
Le chantier, moderne s’il en est, est en effet excitant…Pour peu que l’on sache en tracer les plans de manière régulière.
Voici la Tribune de notre T.’.C.’.F.’. « Ma Contribution » :
« MMTTCCFF de la GLNF, Cher Emmanuel, Chers Tous,
Je suis fidèle lecteur de ce blog que j'apprécie énormément et ce depuis des années mais n'y ai laissé qu'une seule fois, au titre de "ma contribution", une contribution justement intervenant plus volontiers sur le blog de La Maçonne, aussi pour son accueil et la qualité de ses articles et voyant en cela aussi de la part de tous deux un signe d'ouverture et même un geste fraternel.
Toutefois je me suis souvent dis que je devrais aussi honorer le blog d'Emmanuel, et pour que soit perçut clairement que je me reconnais pleinement dans les valeurs qui ici sont défendues depuis la crise, désormais derrière nous. Notre maison n’est pas la caricature absolument scandaleuse que font certain encore qui pratiquent des attaques - dont je me dispense de redire les mots offensants - comme on exploite un fonds de commerce pour en vivre.
Je m’exprime aujourd’hui avec ce que je suis et ce que je connais, avec mon cœur et mon esprit, sans renier bien au contraire mes convictions et mon identité, mais en reconnaissant aussi que d’autres ne les partagent pas. Nous nous acceptons ainsi justement. C’est donc comme Franc-maçon chrétien catholique que j’ose m’exprimer ; mais le chrétien catholique que je suis se déploie et déploie sa réflexion avec tous ses autres frères comme une des branches du tronc commun qui nous unit et que je qualifie de « noachite ».
J'ai souhaité que l’article et l’approche de cette conférence de Bruno Pinchard VM de la RL Villard de Honnecourt soit l'occasion de cette intervention, aussi pour le sujet qui y est annoncé et qui me tient à cœur.
Pour dire d’emblée le fond de ma préoccupation j'aimerais que nous prenions vraiment la mesure d'une réflexion sur notre responsabilité comme Franc-maçon régulier reconnu pour des Sœurs qui souhaiteraient peut-être vivre elles-aussi une Franc-maçonnerie traditionnelle comme la nôtre et ce en dehors du cadre de la mixité. Je ne suis pas certains qu'il existe cette possibilité pour elles, une Obédience qui – d'une certaine manière - serait l'équivalente de la nôtre mais en féminin. Je suis intimement convaincu que des sœurs pourtant pourraient aspirer à ce cadre et à un auspice tel que celui-ci.
Je remercie Emmanuel d’avoir accepté de publier ma réflexion ici sur le sujet «Initiation et Féminité ». Je ne suis pas certain que mon approche soit de même envergure que celle de Bruno mais elle s'enracine elle aussi au plus profond de ce qui constitue une grande part de notre tradition.
Tout est parti d'un tableau que La Maçonne a mis sur la page où elle publiait la même invitation de notre R.’.L.’. de Recherche. Je ferai donc maintenant partager ci-dessous à vous mes Frères de la GLNF et autres visiteurs de ce blog, Sœurs et Frères, le copier de mon post sur le mur de notre Sœur.
Je ne peux rester d’abord sans réagir, non sur le fond et le sujet de l’article, mais pour remercier La Maçonne d'avoir illustré celui-ci d'entré d'une des plus belles toiles de l'annonciation que je connaisse, celle de Simone Martini. Il faut savoir que ce tableau inspira un immense théologien du 20ème siècle, Jürgen Moltmann, qui nous gratifia, à travers toute la profondeur et l'actualité de son œuvre, du retour "au bercail" du thème de l’Espérance, oublié trop longtemps et trop de fois par la pensée chrétienne.
Puisqu'il a été mis ici, ce tableau de Simone Martini l’ange de l’annonciation pourrait bien nous permettre une interprétation que j’espère fructueuse et peut-être audacieuse de la féminité, bien que pas forcément nouvelle pour tous ni non plus très révolutionnaire, mais dans la redécouverte de vérités essentielles à notre condition humaine comme ouverture de son être à une extériorité et accueil de cette altérité radicale, comme plénitude de son existence au sein d’un murissement intérieur ou intime et finalement comme don ou offrande de ce qui , par soi, est plus que soi-même.
Tout cela aura pour but de nous aider à réfléchir au sujet et contribuer d’une manière particulière à la conférence de la Loge Villard de Honnecourt, voire de poursuive ensuite par une concrétisation que j’appelle de mes vœux et qui va devenir pour tous corps constitué un nécessaire franchissement à accomplir, redonnant sens a un double mode d’être humain dans sa féminité et sa masculinité.
Initiation et féminité est un thème essentiel si ce n’est peut-être le thème par excellence qu’il devient urgent de reprendre en Franc-Maçonnerie, ou du moins dans celle que je connais. On devrait même donc commencer par enlever un des deux mots du sujet pour se demander ce qu’est en fait tout simplement la féminité ; car s’il y a bien un sujet qu’on occulte il me semble de nos jours c’est celui-ci, et pas seulement dans les Loges.
Abordons donc le tableau. Un ange délivre un message, on voit même en plus du souffle que le tableau représente parfaitement les lettres des paroles se dirigeant vers la femme, Marie. Que viennent faire ces paroles, que disent-elles ? Nous le savons de l’Evangile, elles annoncent à la femme … ce qu’elle va enfanter ou qui elle va recevoir, porter et enfanter!
La réaction de la femme est très bien exprimée, elle est celle de la stupéfaction, du retrait ou de la crainte. « Comment … moi ? » Avant de répondre en fait à l’ange par un « FIAT ! », un oui sans équivoque.
Quelque chose ou quelqu’un, une parole ou une révélation, un logos ou un verbe comme semence vient frapper à la porte de la vie et demander à une femme de l’accueillir pour entrer dans le monde.
Pour les chrétien il s’agit ni plus ni moins que Dieu vient au monde par une femme. C’est pour cela aussi que dans la tradition et la sagesse chrétienne Marie est considérée comme la patronne des théologiens ; elle porte en elle la parole de Dieu, lui donne vie et la donne au Monde. Cette femme est dans notre tradition l’unique et seule DOMUS DEI ET PORTA COELI, maison de Dieu et porte du Ciel. Cette femme mais aussi on devrait pouvoir le dire de toutes les femmes.
Est-ce que cela est initiatique pour la femme?
Que dire au sujet de l’initiation si nous considérons et prenons en compte la féminité ?
Nous le savons, l’initiation maçonnique telle qu’elle est pratiquée est adaptée à la masculinité. Dans son imaginaire, dans ses représentations et par le travail auquel elle invite, la maçonnerie a des rituels qui actuellement sont typiquement virils. Ils exaltent l’acte de bâtir ou de gouverner : les Francs-maçons sont Rois, Architectes, Ouvriers, Chevaliers…
Quelle place cela laisse-t-il à la femme et à sa féminité ?
Or la masculinité n’est pas seule détentrice de la potentialité organisationnelle qu’évoquent toutes ces figures. Gouverner, planifier, s’exprimer avec autorité, prophétiser, sanctifier ou faire preuve de sagesse ont aussi des archétypes féminins qu’il nous faut redécouvrir. Par exemple la reine de Saba ou bien les femmes qui entourent jésus – et je me contenterai d’évoquer ces figures du Nouveau testament dans cet exposé sachant qu’il y en a, comme le rappelle Emmanuel, bien d’autres possibles - et qui jouent un rôle essentiel dans l’économie biblique du salut. Elles entretiennent un rapport aux autres et au monde, à la société et aux institutions, à elle-même et au destin, qui est différent de celui de l’homme mais qui n’en est pas moins intelligible et indispensable pour la vie, pour la société, pour la religiosité et pour le monde, partie intégrante aussi de la tradition et de la tradition la plus ancienne.
Marie mère de Jésus est dans le nouveau testament la première qui intervient auprès de son fils dans une scène symbolisant déjà l’avènement du royaume de Dieu. La réponse du « Fils de l’homme » à Marie à ce moment est de lui dire que son heure n’est pas encore venue. Il est trop tôt pour lui mais est-il trop tôt pour la femme ? Elle est la première à demander l’évènement et elle prend les devants.
Durant son ministère Jésus se retrouve aussi parfois en relations privilégiées de femmes, bien que son cercle rapproché soit masculin. Deux femmes chez qui il se rend ont aussi un rôle et une attitude différente l’une de l’autre et elles ne lui apportent pas la même chose. Il s’agit de Marthe et de Marie. Marthe s’active dans la maison pour qu’elle soit prête et accueillante pour le maitre qui vient et elle veille en sa présence à ce qu’il ne manque de rien. Marie quant à elle se délecte des paroles du maitre et recherche sa présence au plus près. Elle ne voit rien d’autre de plus important ou de plus nécessaire à faire que de se tenir dans cette ouverture, non forcement passivité, mais accueil, un échange spirituel avec le maître. Jésus quant à lui considère l’une et l’autre selon leur place et selon leur différence qu’il respecte.
Enfin ce sont des femmes qui les premières furent témoins de la résurrection et crurent au Christ. Alors que les hommes incrédules à l’annonce de l’évènement, de surcroit leur venant de la bouche des femmes, celles-ci anticipent encore la présence mystérieuse du crucifié-ressuscité au milieu de tous.
On peut finalement se demander si la femme a en fait besoin de l’initiation tant elle devance en réalité les hommes dans la réalisation du plan divin. Elles le portent, l’enfantent et permettent aux hommes d’y accéder. On peut aussi se demander et estimer que c’est finalement toute leur existence, toute l’existence féminine qui est de nature initiatique.
Malgré alors ce privilège que l’on pourrait reconnaitre à la femme de pouvoir se passer de l’initiation ou d’être dans sa nature même initiation ou initiatrice, hommes et femmes partageons pourtant un même sort et un même destin en restant des êtres mortels. Mortels mais surtout aussi incomplets car nous avons toujours besoin d'un autre que soit pour exister, pour naitre au monde et y grandir, besoin de compagnons ou de compagnes pour vivre, de frères ou de sœurs, besoin de passeurs ainsi besoin d’être initié par un autre et par d’autres. Une femme peut en ce sens prendre la place d'Hiram qui emprunte d’une certaine manière un chemin universel. De plus si la femme n'est pas dans la tradition tailleur de Pierre ou chevalier rien n'empêche qu'elle trace les plans, organise l'intérieur d'une maison ou d’un Temple, voire même gouverne un peuple...
Cette interprétation de la féminité et de l’initiation s’appuyant sur des figures bibliques encore une fois pourrait être opérée en faisant appel à des figures autres, tout autant universelles et que d’autres auraient à cœur de développer.
Je précise pour conclure que ce développement n’entretient pas une ambition dissimulée de vouloir changer les choses dans notre Obédience, par exemple en suggérant de mettre en pratique la mixité. Je ne suis pour ma part absolument pas favorable à cela. Les frères que je connais sont pour la plus part du même avis et la sœur avec qui je parle de manière tout à fait privilégiée, laquelle m’a aussi avoué son désir de tradition et de pure régularité, ne souhaite pas non plus de la mixité. Les questions qui pourraient ressortir de mon analyse sont d’un autre ordre : Comment des sœurs aujourd’hui pourraient-elles enfin vivre une régularité reconnue au sein d’une Obédience féminine ? Comment nous qui faisons partie de cette famille soumise à une même règle et qui sommes liés aux autres Obédiences régulières reconnues, mais aussi qui sommes responsables et garants de la règle sur notre territoire, pourrions-nous en concertation avec nos pairs et avec une méthode rigoureuse, nous poser la question et réfléchir à la concrétisation d’une telle Obédience que nous soutiendrions, alors que nous savons aussi qu’il existe déjà des liens d’amitié entre des Obédiences régulières reconnues et des Obédiences féminines ?
Quel grand pas nous ferions, sans trahir la règle en maintenant une distinction entre l’approche masculine propre et l’approche féminine propre, en envisageant la possibilité que l’autre moitié du genre humain puisse aussi se conformer à la règle ! ».
Ma Contribution