31 janvier 2016
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C’est un authentique fils de la Lumière qui nous a quitté vendredi matin, en la personne de Serge Sobelman, ancien V.’.M.’. de la R.’.L.’. Menorah n°526.
Non seulement Serge était un fils de la Lumière, mais il était aussi un soldat des forces de lumière.
Membre d’Honneur de notre Loge, il l’avait marqué, dans un premier temps sur les colonnes, et dans un deuxième temps à l’Or.’..
Car Serge était un homme exceptionnel, un exemple, un véritable hymne à la vie, cette vie dont il était éperdument amoureux.
Petit garçon juif persécuté pendant la deuxième guerre mondiale, il a fait partie du millier d’enfants juifs sauvés par les habitants du Chambon-sur-Lignon.
Il ne l’oubliera jamais, et a notablement œuvré pour que la communauté juive marque sa reconnaissance à cette commune*.
Lui-même, animait des associations qui jusqu’à aujourd’hui contribuent financièrement aux besoins exprimés au sein du Chambon.
Je puis témoigner que sa reconnaissance s’exprimait pratiquement chaque jour de sa vie.
A la fin de la guerre, sortant de la clandestinité, ce qui reste de sa famille a tout perdu, et vit dans une grande pauvreté. Il ne pourra donc pas réaliser son rêve d’études de médecine, et sera obligé d’aller travailler très dur tout jeune.
A force de travail, cet homme qui adore les femmes (lesquelles le lui rendent bien) pourra concilier l’utile à l’agréable : il tiendra jusqu’à sa retraite un magasin de "schmatess" qui lui assurera la prospérité.
La retraite venue, Serge va enfin réaliser son rêve : il passe haut la main son Bac à 60 ans, et entame des études de kinésithérapie, s’estimant trop vieux pour commencer les études de médecine dont il rêvait. Là encore le succès est au rendez-vous, et à l’issue de ses études, il enseignera sa discipline au sein de l’Hôpital Rothschild à Paris.
Parallèlement, toute sa vie, il lisait tout ce qu’il pouvait, s’intéressant à tout et désireux de tout comprendre de ce qui fait la vie et l’univers. Sa soif d’apprendre était inextinguible, tout comme sa générosité et sa bienveillance.
J’avais coutume de dire de lui qu’il était un Hassid laïque, c’est-à-dire qu’il portait en lui les valeurs de ses ancêtres, qui baignaient dans le hassidisme, tout en l’exprimant dans le cadre d’une culture française qu’il aimait, et avec une gouaille toute parisienne...
Juif traditionaliste, peu pratiquant mais profondément croyant, il aimait profondément D-ieu, avait un amour infini de la Thora et des valeurs qu’elle véhicule. Il buvait les paroles de son professeur, Jacques Goldberg, ethnologue, physicien et talmudiste.
Militant du dialogue judéo-chrétien comme de la mémoire, il aimait intervenir auprès des jeunes dans les lycées qui l’invitaient, car les jeunes aimaient l’écouter et l’interroger sur cet incroyable amour de la vie, qu’ils percevaient comme sur son incroyable confiance en l’homme malgré sa tragique expérience.
Il avait aussi été longtemps le président de « L’avenir Fraternel », une association fondée par les premiers pionniers juifs qui se donnait pour mission d’offrir des obsèques aux membres de la communauté juive dans l’indigence.
Serge avait été initié au Grand Orient de France, et avait des liens très étroits avec les Frères de sa loge mère (qu’il a gardé) mais avait ressenti, après de nombreuses années passées rue Cadet, le besoin de rejoindre la Maçonnerie régulière, celle qui lui ressemblait, celle qui croit en D-ieu Grand Architecte de l’Univers.
A ce moment, j’avais été chargé de l’enquêter. Notre rencontre, demeure un des grands moments de ma vie maçonnique. Au lieu du temps habituel, arrivé vers 16 heures, je l’avais quitté à 23h…. Nous avions passé un bon moment à parler Yiddish, ce qu’il adorait car cela lui rappelait ses parents et grands-parents à qui il vouait un culte. Et moi, je suis reparti en sachant que je venais de trouver un frère qui ferait désormais partie de mon intimité. Ce constat ne s’est jamais démenti. Les années de séparation à cause de la distance géographique ne nous ont pas séparés, et il était même venu à Genève passer deux jours chez moi lorsque j’y ai déménagé.
Serge avait un cœur ennnnnnnorme, une tendresse et une bienveillance infinie avec tous et envers chacun.
Lorsqu’il rentrait quelque part, c’était la vie qui entrait.
Pourtant, il était d’une infinie discrétion, et d’une exquise éducation. Il fuyait les honneurs, et ce qui brille.
Ce n’est pas pour rien qu’il a marqué les Frères de Menorah. : Il symbolisait la fraternité, la sagesse, la tendresse, la foi en l’amour.
Malheureusement, à l’issue de son vénéralat en 2003, il a été frappé dès 2004, touché par cette affreuse maladie qui s’attaque sournoisement aux hommes.
Il a lutté 12 années très courageusement, sans jamais tomber dans l’amertume, mais au contraire en louant D-ieu pour tous les bienfaits dont il estimait avoir été comblé, cela malgré d’atroces souffrances, et un martyr de plusieurs années.
La dernière fois que nous nous sommes parlé – il ne souhaitait plus que je vienne le voir car il ne voulait pas être vu si diminué – il m’a fait comprendre que nous ne nous reverrions plus. Sentant ma tristesse, c’est encore lui qui m’a remonté le moral en m’expliquant qu’il remerciait profondément l’Eternel de lui avoir permis de vivre aussi longtemps lui que les nazis et leurs suppléants français avaient programmé pour être assassiné dans une chambre à gaz. Il était convaincu que chaque jour de vie était un cadeau de D-ieu et un miracle. Et de louer sa chance d’avoir vécu tant de belles choses, et d’avoir fait tant de belles rencontres.
Sa seule angoisse : que deviendrait Eliane, sa douce compagne durant les 37 dernières années, et qu’il aimait tellement… J’espère que nos Frères parisiens l’entoureront.
A n’en pas douter, la R.’.L.’. Menorah organisera une Tenue Funèbre dont vous serez informé de la date.
Les obsèques auront lieu mardi 2 février au cimetière parisien de Bagneux à 14h30.
Rendez-vous à l’entrée principale.
*En 1990, le gouvernement israélien reconnut toute la région et ses habitants comme « Justes parmi les nations » pour leur action humanitaire et leur bravoure face au danger. Un jardin et une stèle honorent la région du Chambon au mémorial de Yad Vashem. C'est la seule collectivité, avec le village néerlandais de Nieuwlande, à avoir reçu cet honneur.