Dans le cadre des Tribunes Libres que le Myosotis du Dauphiné-Savoie accorde aux Frères de la GLNF qui souhaitent s'exprimer librement, voici un édito de notre Frère l’Historien de Villiers, rappelant dans quelles circonstances la G.’.L.’.U.’.A.’. a toujours refusé de considérer la Grande Loge de France comme étant régulière.
« Dès le printemps 1899, le Grand Maître, Henri Michel, effectua une première démarche de reconnaissance auprès de la Grande Loge Unie d’Angleterre qui, le 25 juillet 1899, l’éconduisit en raison de l’absence de toute référence aux Landmarks dans sa Constitution et de l’omission du « nom de Dieu et du Volume de la Loi Sacrée dans le rituel d’initiation ».
Aux explications avancées par la G.L.D.F. pour réfuter ces accusations, le Grand Secrétaire anglais, Sir Edward Lechworth, répondit officiellement, le 9 octobre 1899, par une fin de non recevoir soulignant que la nouvelle obédience française ne pouvait, en aucun cas, être considérée comme une organisation maçonnique souveraine en raison de sa soumission à une Juridiction de hauts grades, en l’occurrence le Suprême Conseil de France.
« Dans ces circonstances, je suis chargé de faire ressortir que, s’il est hautement désirable que la merveilleuse entente s’établisse entre tous les corps maçonniques du monde, cette Grande Loge (la G.L.U.A.)n’a jamais reconnu puissance comme souveraine une Grande Loge soumise d’une manière quelconque à un autre corps et extérieur, tel qu’un Suprême Conseil ».
En avril 1951, la Grande Loge Suisse Alpina (G.L.S. Alpina) refusa, sur la pression de la G.L.U.A., lors de son convent de Lausanne, l’entrée de son Temple à la délégation de la G.L.D.F.
Afin de ne pas voir son Obédience rejetée par la majorité des Grandes Loges européennes régulières avec lesquelles elle entretenait, depuis de longues années, des relations fraternelles, le Grand Maître Louis Doignon, à la demande de la G.L.S. Alpina, fit adopter par le Convent de septembre 1953 une motion stipulant que désormais « les obligations seront prêtées sur l’Équerre, le Compas et un Livre de la Loi Sacrée, ce dernier étant considéré, sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le maçon qui s’engage à œuvrer éternellement à dégager l’Ordre du Chaos ».
Prenant acte de cette décision, les représentants du Grand Orient des Pays-Bas, de la Grande Loge du Luxembourg, de la Grande Loge de Vienne, de la Grande Loge Unie d’Allemagne et de la G.L.S. Alpina, réunis à Luxembourg le 15 mai 1954, décidèrent de laisser à la G.L.D.F un délai de cinq ans pour se séparer du Grand Orient de France déclaré irrégulier. Le lendemain, la G.L.D.F., qui continuait toutefois à considérer le Grand Architecte de l’Univers et la Bible comme de purs symboles, se voyait cooptée au sein de cette Convention.
A la demande de la G.L.D.F., des négociations s’ouvrirent alors, au printemps 1955, avec la G.L.N.F. et aboutirent, à l’automne suivant, à un projet de fusion des deux Obédiences au sein d’une Grande Loge Unie de France.
Si la G.L.N.F. se prononça en faveur du projet lors de la Tenue Annuelle de Grande Loge du 3 décembre 1955, en revanche, le Grand Maître Louis Doignon avait préféré, le 26 novembre, devant l’hostilité d’une majorité des Ateliers, retirer le texte de l’ordre du jour du Convent de janvier 1956.
En février 1957, chargé par le Grand Maître Richard Dupuy d’une mission d’exploration auprès de la G.L.U.A., Ubaldo Triaca rencontra le Grand Secrétaire, Sir Sidney White, et le responsable des relations extérieures, Francis Jones. Les deux dignitaires britanniques lui signifièrent que la règle maçonnique de la territorialité interdisait la reconnaissance de la G.L.D.F. en raison de l’existence de la G.L.N.F. tout en lui précisant que les deux Obédiences pourraient être reconnues si elles établissaient entre elles des relations officielles.
Dès son accession à la Grande Maîtrise de la G.L.N.F. en octobre 1958, Ernest Van Hecke comprit rapidement que la G.L.D.F. ne consentirait jamais à rompre avec le Grand Orient de France.
Aussi, en mai 1959, prenant en considération les doléances du Grand Maître Van Hecke, le Grand Secrétaire de la G.L.U.A., James W. Stubbs, et ses homologues des Grands Loges d’Écosse, Alexander F. Buchan, et d’Irlande, James O. Harte, exigèrent du nouveau Grand Maître des Grandes Loges Unies d’Allemagne, Theodor Vogel, une rupture immédiate de ses relations avec la G.L.D.F. comme préalable à toute reconnaissance. Des menaces de suspension furent également adressées, l’année suivante, au Grand Secrétaire de la Grande Loge d’Autriche, Fritz Blum, et au Grand Maître du Grand Orient des Pays-Bas, Davidson, qui durent également obtempérer.
En 1960, les Grandes Loges d’Allemagne et d’Autriche acceptèrent de reconnaître la G.L.N.F.
Lors de sa Communication Trimestrielle du 2 mars 1960, le Board of General Purposes, en dépit d’une adhésion à certains articles des Basic Principles, « restait toujours convaincu que la présence d’une forte minorité irrégulière dans son sein rendait tout à fait impossible qu’il puisse recommander au Grand Maître la reconnaissance de la Grande Loge de France ou de toute autre Grande Loge avec laquelle elle est étroitement associée. Le Board est d’avis qu’un retour aux principes véritables et réguliers de la Franc-Maçonnerie et l’éradication totale des éléments et des tendances irrégulières en son sein est un processus qui peut seulement être accompli sur une longue période et doit seulement provenir de changements profonds à l’intérieur même de la Grande Loge de France ; il ne peut être réalisé par une série de résolutions et encore moins être fondé sur des influences extérieures au pays ».
Le Board était également conscient que l’irrégularité de la Grande Loge de France pouvait, en outre, être contagieuse. Ainsi, la reconnaissance des Grandes Loges Unies d’Allemagne, qui intervint seulement le 7 décembre 1960, fut « retardée par une structure semeuse de troubles, aujourd’hui disparue, connue sous la dénomination de Convention de Luxembourg dont les responsables avaient attiré la nouvelle obédience allemande dans une liaison dangereuse avec l’irrégulière Grande Loge de France ».
Cette condamnation sans appel de la Grande Loge de France devait être réitérée, après son éphémère reconnaissance par la Grande Loge du Minnesota en 2002, par Robert A.H. MORROW, le Grand Secrétaire de la G.L.U.A., au cours de l’Assemblée Générale de la G.L.N.F. du 4 décembre 2004.
« La dernière fois que j’ai eu le privilège de m’adresser à votre Grande Loge, nous étions au cœur des problèmes suscités par les initiatives de la Grande Loge de France qui, heureusement, ont été résolues même si la Grande Loge de France pense qu’elle peut nous faire sursauter en envahissant l’Angleterre et en établissant une Loge à la périphérie de Londres. Elle prétend fallacieusement qu’elle n’envahit pas le territoire maçonnique de l’Angleterre en prétextant que, comme nous nous travaillons pas les trois premiers degrés du Rite Écossais, elle offre ainsi aux francophones de la métropole londonienne l’opportunité de pratiquer des rituels qui ne sont pas en usage au sein de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Pour faire connaître son projet, elle a eu recours à une campagne publicitaire offensive qui n’a rencontré aucun retentissement dans les médias britanniques. Le fait que cette Loge se réunisse dans les locaux de la Fédération anglaise du Droit Humain est révélatrice de l’attitude de la Grande Loge de France à l’égard de la Franc-Maçonnerie régulière comme irrégulière ».
Il est donc surprenant que les dirigeants des 5 Grandes Loges de la Déclaration dite de Bâle ignorent à ce point l’irrégularité sui generis de la Grande Loge de France et persistent à vouloir en faire le pivot de la soi-disant « recomposition du paysage maçonnique français ».